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En même temps, pour décapiter les masses ouvrières, on en arrêtera et en transportera à Cayenne quelques centaines, quelques milliers peut-être, les plus énergiques, les plus intelligents, les plus convaincus et les plus dévoués, comme on a fait en 1848 et en 1851.

Que feront alors les masses ouvrières désorganisées et décapitées ? Elles brouteront l’herbe et, fustigées par la faim, travailleront comme des forcenés pour enrichir leurs patrons. Attendez donc une révolution des masses populaires réduites à une pareille position !

|97 Mais si, malgré cette position misérable, poussé par cette énergie française qui ne pourra pas se résigner facilement à la mort, poussé encore plus par son désespoir, le prolétariat français se révolte, oh ! alors il y aura, pour le remettre à la raison, les chassepots doublés cette fois des fusils à aiguille ; et contre cet argument terrible, auquel il n’aura à opposer ni intelligence, ni organisation, ni volonté collectives, rien que son désespoir, il sera dix fois, cent fois plus impuissant qu’il ne l’a jamais été.

Et alors ? — alors le socialisme français aura cessé de compter parmi les puissances actives qui poussent en avant le développement et l’émancipation solidaires du prolétariat de l’Europe. Il pourra bien encore y avoir des écrivains socialistes, des doctrines et des ouvrages et des journaux socialistes en France, si le nouveau gouvernement et si le chancelier de l’Allemagne, le comte de Bismarck, veulent