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lâche, imbécile, impuissante. Si on abandonnait le drapeau de la France révolutionnaire en ses mains, elle le laisserait tomber dans la boue. Le prolétariat de la France, les ouvriers des villes et les paysans des campagnes réunis, mais surtout les premiers, peuvent seuls le tenir, de leurs mains puissantes et bien haut, pour le salut du monde.

Telle est aujourd’hui leur grande mission. S’ils la remplissent, ils émanciperont toute l’Europe. S’ils faiblissent, ils se perdront eux-mêmes et ils condamneront le prolétariat de l’Europe au moins à cinquante ans d’esclavage.

Ils se perdront eux-mêmes. Car ils ne peuvent pas s’imaginer que, s’ils consentent aujourd’hui à subir le joug des Prussiens, ils retrouveront en eux-mêmes et l’intelligence, et la volonté, et la puissance nécessaires pour faire la Révolution sociale. Ils se trouveront, après cette honteuse catastrophe, dans une position mille fois pire que le fut celle de leurs prédécesseurs, les ouvriers de la France, après les catastrophes de Juin et de Décembre. Quelques rares ouvriers pourront bien conserver l’intelligence et la volonté révolutionnaires, mais ils n’auront pas la foi révolutionnaire, parce que cette foi n’est possible que quand les sentiments de l’individu trouvent un écho, un appui dans les instincts et dans la volonté unanime des masses ; mais cet écho et cet appui, ils ne les trouveront plus dans les masses : les masses seront complètement |96 démoralisées, écrasées, désorganisées et décapitées.