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d’hui une partie des masses populaires en Allemagne, qui se laissent tuer par dizaines de milliers, avec un enthousiasme stupide, pour le triomphe de cette grande unité et pour la constitution de cet Empire germanique, lequel, s’il se constituait jamais, sur les ruines de la France conquise, deviendrait le tombeau de toutes leurs espérances d’avenir. Ce qui m’intéresse à cette heure, ce n’est donc pas le salut de la France comme grande puissance politique, comme État, ni de la France impériale, ni de la France royale, ni même de la République française.

Ce que je déplorerais comme un malheur immense pour l’humanité tout entière, ce serait la déchéance et la mort de la France, comme grande nature nationale ; la mort de ce grand caractère national, |94 de cet esprit français, de ces instincts généreux, héroïques, et de cette audace révolutionnaire, qui ont osé prendre d’assaut, pour les démolir, toutes les autorités consacrées et fortifiées par l’histoire, toutes les puissances du ciel et de la terre. Si cette grande nature historique qui s’appelle la France venait à nous manquer à cette heure, si elle disparaissait de la scène du monde, ou, ce qui serait pis encore, si cette généreuse et intelligente nation, de la hauteur sublime où l’avait placée le travail et le génie héroïque des générations passées, tombait tout d’un coup dans la boue, continuant de vivre comme esclave de Bismarck, un vide immense se ferait dans le monde. Ce serait plus qu’une catastrophe nationale, ce serait un malheur, une déchéance universelle.