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Dans ces mots se retrouve toute la pensée, toute l’espérance, toute l’ambition des marxiens. Ils croient sérieusement que le triomphe militaire et politique obtenu dernièrement par les Allemands sur la France marque le commencement d’une grande époque dans l’histoire, à partir de laquelle l’Allemagne est appelée à jouer sous tous les rapports le premier rôle dans le monde, sans doute pour le salut du monde lui-même. La France et tous les peuples latins ont été, les Slaves ne sont pas encore, et d’ailleurs ils sont trop barbares pour devenir quelque chose par eux-mêmes, sans l’aide de l’Allemagne ; l’Allemagne seule, aujourd’hui, est. De tout cela il résulte chez les Allemands un triple sentiment. Vis-à-vis des peuples latins, « jadis intelligents et puissants, mais aujourd’hui tombés en décadence », ils ressentent une sorte de respect miséricordieux, mêlé d’indulgence ; ils sont polis, ou plutôt ils tâchent d’être polis avec eux, car la politesse n’est ni dans les habitudes ni dans la nature des Allemands. Vis-à-vis des Slaves ils affectent le mépris, mais dans ce mépris il y a beaucoup de crainte ; leur sentiment réel pour eux, c’est la haine, la haine que l’oppresseur éprouve pour celui qu’il opprime et dont il redoute les terribles révoltes. Vis-à-vis d’eux-mêmes, enfin, ils sont devenus excessivement présomptueux, ils sont infatués d’eux-mêmes, ce qui ne les rend pas du tout plus aimables, et s’imaginent être et pouvoir quelque chose sous le joug unitaire — et révolutionnaire (ajouterait sans doute