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ration, qui avait ranimé dans la noblesse de France sa morgue aristocratique, et dans la bourgeoisie sa haine contre la noblesse. Mais depuis 1830, la fusion s’opéra avec une incroyable |31 rapidité, et ce fut précisément sous le règne de Louis-Philippe que se forma aussi, sous les auspices du clergé, l’esprit de la classe nouvelle.

Il se forma à la sourdine, imperceptiblement, tout naturellement, et sans le moindre éclat. Le règne de Louis-Philippe, on le sait, fut marqué par la domination des grandes cités, et de Paris surtout. La bourgeoisie des villes triomphait, la noblesse de province et tous les propriétaires campagnards avec elle étaient annulés. Ils vécurent dans l’obscurité, personne ne s’inquiétait de ce qu’ils pensaient, de ce qu’ils faisaient, et c’est précisément au milieu de cette obscurité que se forma lentement la nouvelle puissance de la bourgeoisie rurale. Pendant les dix-huit ans que dura le régime de Juillet, la fusion complète des éléments constitutifs de cette classe, la vieille noblesse et la bourgeoisie propriétaire, fut achevée. Elle devait s’opérer, car malgré leurs anciennes jalousies, ces deux éléments, également offusqués et blessés par la domination méprisante de la bourgeoisie citadine, se sentirent attirés l’un vers l’autre. Les nobles avaient besoin de refaire leur fortune, et les bourgeois propriétaires se sentaient cruellement tourmentés par la passion des titres. Entre ces deux aspirations réciproques et également passionnées, il ne manquait qu’un intermé-