Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/322

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ils le font sciemment et sans se faire la moindre illusion sur la nature, les mobiles et le but de leurs entreprises, ou plutôt, ils en sont arrivés à ce point du développement intellectuel et moral, où la différence du bien et du mal n’existe plus, et où toutes les notions sociales, les passions politiques, même les intérêts collectifs des classes, aussi bien que toutes les croyances religieuses et toutes les convictions philosophiques, perdant leur sens primitif, leur sincérité, leur sérieux, se transforment en autant d’excellents prétextes ou de masques, dont ils se servent pour cacher le jeu de leurs passions individuelles.

La bourgeoisie rurale, les gentilshommes campagnards sont loin d’être arrivés à cette hauteur. Leur force relative par rapport à la bourgeoisie des villes n’est point du tout dans leur science, ni dans leur esprit ; elle réside précisément dans cette crasse ignorance et dans cette stupidité incroyable grâce auxquelles ils se trouvent à l’abri de toutes les tentations du démon moderne : le doute. |23 La noblesse campagnarde ne doute de rien, pas même du miracle de la Salette. Trop indifférente et trop paresseuse pour se fatiguer inutilement le cerveau, elle accepte sans la moindre critique, et sans hésitation aucune, les plus monstrueuses absurdités, du moment que l’Église trouve bon de les imposer à sa foi. Aucune sottise d’ailleurs, si monstrueuse qu’elle soit, ne saurait répugner à son esprit systématiquement abruti par une forte éducation religieuse.