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ultramontaine d’abord, puis royaliste. Il lui faut tout d’abord le pape, ensuite un roi soumis à ce pape et régnant par sa grâce. À la réalisation de cet idéal elle est prête à sacrifier la France. Un juste instinct, cet instinct d’égoïsme qu’on retrouve dans les animaux les plus bêtes, l’avertit que la prolongation de son existence saugrenue n’est possible qu’à ce prix. C’est un revenant, un vampire, qui ne peut plus vivre qu’en buvant le sang jeune du peuple, et qui, pour légitimer son crime, a besoin de la sanction également criminelle du représentant visible du fantôme divin sur la terre, du soi-disant vicaire d’un soi-disant Dieu, du pape.

La noblesse de France, d’ailleurs, n’a jamais été excessivement patriote. Pendant la longue période de la formation de l’État monarchique, jusqu’à Louis XIV, elle avait constamment conspiré, on le sait, contre l’unité nationale, représentée par les rois, avec le pape, avec l’Espagne, avec l’Allemagne, avec les Anglais. Les chefs des plus grandes maisons nobiliaires de France avaient tourné leurs armes contre la France et versé le sang de leurs concitoyens sous des bannières étrangères. Le patriotisme forcé de la noblesse française ne date que de la mort du cardinal Mazarin, et n’a eu qu’une courte durée de cent trente ans à peu près, jusqu’en 1792.

Louis XIV la rendit patriote en l’asservissant définitivement à l’État. Toujours ennemie et exploiteuse impitoyable du peuple, tant qu’elle avait conservé, vis-à-vis du despotisme des rois, son indé-