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et conservée quand même, à quelque prix et par quelques moyens que ce soit. Avec une pareille disposition de cœur et d’esprit, il n’est qu’une seule forme politique possible : c’est la dictature militaire, indigène ou même étrangère, car il n’y a point de doute, et les faits qui se sont passés en France l’ont d’ailleurs démontré, que tout bourgeois bien pensant et bien né, sacrifiant la patrie sur l’autel de la propriété, préférera toujours le joug du despote étranger le plus insolent, le plus dur, au salut de son pays par la Révolution sociale.

J’ai eu le triste honneur de le prédire, il y a deux ans, dans une série d’articles publiés dans l’Égalité de Genève[1]. Le Comité central de la Ligue de la paix et de la liberté, résidant dans cette ville, ayant publié un programme dans lequel il proposait à l’étude de ses rares fidèles cette question : Quel rôle la classe bourgeoise et surtout la bourgeoisie radicale est-elle appelée à jouer en présence de la question sociale qui aujourd’hui s’impose, d’une manière vraiment formidable, à tous les pays de l’Europe, — j’avais répondu que, selon moi, il ne lui restait |6 plus qu’une seule mission à remplir : « c’était de mourir avec grâce ». Oui, de s’immoler généreusement, comme s’était immolée la noblesse de France dans la nuit mémorable du 4 août, en 1789.

Mais cette noblesse, toute dégénérée et toute corrompue qu’elle fût par plusieurs siècles d’existence

  1. Ce sont les articles intitules les Endormeurs, dans les n° 23 à 27 de l’Égalité (26 juin-24 juillet 1869). — J. G.