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réalité de ces miracles. On peut dire la même chose de la politique, qu’on peut résumer dans la règle suivante : « Il faut subjuguer et spolier le peuple de telle façon qu’il ne se plaigne pas trop haut de son destin, qu’il n’oublie pas de se soumettre et n’ait pas le temps de penser à la résistance et à la révolte ».

Comment donc, après cela, s’imaginer que des gens qui ont changé la politique en un métier et connaissent son but, — c’est-à-dire l’injustice, la violence, le mensonge, la trahison, l’assassinat, en masse et isolé, — puissent croire sincèrement à l’art politique et à la sagesse de l’État générateur de la félicité sociale ? Ils ne peuvent pas être arrivés à ce degré de sottise, malgré toute leur cruauté. L’Église et l’État ont été de tous temps de grandes écoles de vices. L’histoire est là pour attester leurs crimes ; partout et toujours le prêtre et l’homme d’État ont été les ennemis et les bourreaux conscients, systématiques, implacables et sanguinaires des peuples.

Mais comment, tout de même, concilier deux choses en apparence si incompatibles : dupeurs et dupés, menteurs et croyants ? Logiquement, cela paraît difficile ; cependant, en fait, c’est-à-dire dans la vie pratique, ces qualités s’associent très souvent.

En énorme majorité, les gens vivent en contradiction avec eux-mêmes, et dans de continuels malentendus ; ils ne le remarquent généralement pas, jusqu’à ce que quelque événement extraordi-