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agit inconsciemment, représentant par elle-même la variété infinie des phénomènes, apparaissant et se répétant d’une manière fatale. Voilà pourquoi, grâce à cette inévitabilité de l’action, l’ordre universel peut exister et existe de fait.

Un tel ordre apparaît aussi dans la société humaine, qui, en apparence, évolue d’une manière soi-disant anti-naturelle, mais en réalité se soumet à la marche naturelle et inévitable des choses. Seules, la supériorité de l’homme sur les autres animaux et la faculté de penser apportèrent dans son développement un élément particulier, tout à fait naturel, soit dit en passant, dans ce sens que, comme tout ce qui existe, l’homme représente le produit matériel de l’union et de l’action des forces. Cet élément particulier, c’est le raisonnement, ou bien cette faculté de généralisation et d’abstraction grâce à laquelle l’homme peut se projeter par la pensée, s’examinant et s’observant comme un objet extérieur et étranger. S’élevant idéiquement au-dessus de lui-même, ainsi qu’au-dessus du monde environnant, il arrive à la représentation de l’abstraction parfaite, au néant absolu. Cette limite dernière de la plus haute abstraction de la pensée, ce rien absolu, c’est Dieu.

Voilà le sens et le fondement historique de toute doctrine théologique. Ne comprenant pas la nature et les causes matérielles de leurs propres pensées, ne se rendant même pas compte des conditions ou lois naturelles qui leur sont spéciales, ils ne purent certainement pas soupçonner, ces premiers hommes