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liberté réelle, c’est l’égalité réelle et c’est la fraternité réelle, et c’est la justice humaine et universelle, — mais encore par une considération de physiologie sociale.

Je suis socialiste, parce que je suis arrivé à cette conviction que toutes les classes qui ont constitué jusqu’ici, pour ainsi dire, les grands personnages agissants et vivants de la tragédie historique, sont mortes. La noblesse est morte ; la bourgeoisie est morte et pourrie. Elle ne le prouve que trop bien à cette heure. Que reste-t-il ? Les paysans et le prolétariat des villes. Seuls ils peuvent sauver l’Europe du militarisme et du bureaucratisme prussiens, ces deux alliés et cousins du knout de mon cher empereur de toutes les Russies.

Eh bien ! ce que je vois aujourd’hui en France me plonge dans un état proche du désespoir. Je commence à craindre avec Herzen que les paysans et le prolétariat, en France, en Europe, ne soient morts aussi. Et |6 alors ? alors la France est perdue, l’Europe est perdue.

Mais non ! Pendant ma courte présence à Lyon et dans les environs de Marseille, j’ai vu, j’ai senti que le peuple n’était point mort. Il a tous les grands instincts et toutes les puissantes énergies d’un grand peuple. Ce qui lui manque, c’est l’organisation et la juste direction ; non cette direction et cette organisation qui lui tombent d’en haut, de par l’autorité de l’État, et apostillées, soit par Sa Majesté impériale Napoléon III, soit par Sa Majesté républi-