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ces manifestations de sa pensée, il s’est exprimé avec une précision si claire et si nette, qu’il est impossible de se méprendre sur la ligne politique qu’il se propose de suivre. Se rendant peut-être justice, et comprenant qu’il ne peut y avoir rien de commun entre les sentiments qui l’animent et les passions qui vivent au sein des masses populaires, il dédaigne de convertir et de persuader le peuple. Toute sa propagande s’adresse exclusivement aux bourgeois. Jaloux de mériter la réputation |86 d’homme positif et sérieux, il ne fait point d’appel à leurs sentiments, ce serait par trop naïf de sa part ; non, il s’adresse exclusivement à leurs intérêts.

M. Gambetta s’est donné pour mission spéciale de démontrer à la bourgeoisie, par des comparaisons historiques et des chiffres, que le régime républicain est seul capable d’assurer l’ordre, la sécurité, la stabilité. « S’il y a un argument — a-t-il dit dans son discours de Marseille — devant lequel se rendent les indifférents mêmes, c’est l’argument de leurs intérêts. Eh bien, les intérêts matériels, la prospérité matérielle, les bonnes affaires, elles ne se font que sous les gouvernements libres. »

C’est parfaitement juste ; seulement M. Gambetta, dans ce discours, aussi bien que dans tous les autres, oublie toujours de dire de quel genre de prospérité et d’intérêts matériels il veut parler. Si c’est de la prospérité et des intérêts exclusifs de la classe bourgeoise, il a mille fois raison. L’exemple de l’Angleterre et des États-Unis d’Amérique, qui sont les