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très précise, très étroite et très sèche, qui se cache sous le vague insaisissable de ces formes poétiques, conduit aux mêmes résultats désastreux que toutes les religions positives : c’est-à-dire à la négation la plus complète de la liberté et de la dignité humaines.

Proclamer comme divin tout ce qu’on trouve de grand, de juste, de noble, de beau dans l’humanité, c’est reconnaître implicitement que l’humanité par elle-même aurait été incapable de le produire ; ce qui revient à dire qu’abandonnée à elle-même, sa propre nature est misérable, inique, vile et laide. Nous voilà revenus à l’essence de toute religion, c’est-à-dire au dénigrement de l’humanité |185 pour la plus grande gloire de la divinité. Et du moment que l’infériorité naturelle de l’homme et son incapacité foncière de s’élever par lui-même, en dehors de toute inspiration divine, jusqu’aux idées justes et vraies, sont admises, il devient nécessaire d’admettre aussi toutes les conséquences théologiques, politiques et sociales des religions positives. Du moment que Dieu, l’Être parfait et suprême, se pose vis-à-vis de l’humanité, les intermédiaires divins, les élus, les inspirés de Dieu sortent de terre pour éclairer, pour diriger et pour gouverner en son nom l’espèce humaine.

Ne pourrait-on pas supposer que tous les hommes soient également inspirés par Dieu ? alors il n’y aurait plus besoin d’intermédiaires, sans doute. Mais cette supposition est impossible, parce qu’elle est