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notre Église à nous, — qu’il me soit permis de me servir un moment de cette expression que d’ailleurs je déteste ; l’Église et l’État sont mes deux bêtes noires, — dans notre Église, comme dans l’Église protestante, nous avons un chef, un Christ invisible, la science ; et comme les protestants, plus conséquents même que les protestants, nous ne voulons y souffrir ni pape, ni conciles, ni conclaves de cardinaux infaillibles, ni évêques, ni même des prêtres. Notre Christ se distingue du Christ protestant et chrétien en ceci, que ce dernier est un être personnel, et que le nôtre est impersonnel ; le Christ chrétien, déjà accompli dans un passé éternel, se présente comme un être parfait, tandis que l’accomplissement et la perfection de notre Christ à nous, de la science, sont toujours dans l’avenir : ce qui équivaut à dire qu’ils ne se réaliseront jamais. En ne reconnaissant l’autorité absolue que de la science absolue, nous n’engageons donc aucunement notre liberté.

J’entends par ce mot, « science absolue », la science vraiment universelle qui reproduirait idéalement, dans toute son extension et dans tous ses détails infinis, l’univers, le système ou la coordination de toutes les lois naturelles qui se manifestent dans le développement incessant des mondes. Il est évident que cette science, objet sublime de tous les efforts de l’esprit humain, ne se réalisera jamais dans sa plénitude absolue. Notre Christ restera donc éternellement inachevé, ce qui doit rabattre beaucoup