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l’adoption universelle et antique d’une idée ont été considérés de tout temps comme la preuve la plus victorieuse de sa vérité. Le sentiment de tout le monde, une conviction qui se retrouve et se maintient toujours et partout, ne sauraient se tromper. Ils doivent avoir leur racine dans une nécessité absolument inhérente à la nature même de l’homme. Et puisqu’il a été constaté que tous les peuples passés et présents ont cru et croient à l’existence de Dieu, il est évident que ceux qui ont le malheur d’en douter, quelle que soit la logique qui les ait entraînés dans ce doute, sont des exceptions anormales, des monstres.

Ainsi donc, l’antiquité et l’universalité d’une croyance seraient, contre toute science et contre toute logique, une preuve suffisante |163 et irrécusable de sa vérité. Et pourquoi ?

Jusqu’au siècle de Kopernik et de Galilée, tout le monde avait cru que le soleil tournait autour de la terre. Tout le monde ne s’était-il pas trompé ? Qu’y a-t-il de plus antique et de plus universel que l’esclavage ? L’anthropophagie, peut-être. Dès l’origine de la société historique jusqu’à nos jours, il y a eu toujours et partout exploitation du travail forcé des masses, esclaves, serves ou salariées, par quelque minorité dominante ; oppression des peuples par l’Église et par l’État. Faut-il en conclure que cette exploitation et cette oppression soient des nécessités absolument inhérentes à l’existence même de la société humaine ? Voilà des exemples qui montrent