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quelque disciple pédant d’une métaphysique artificiellement réchauffée, et cela à une époque où tous les esprits vivants et sérieux se sont détournés de cette science équivoque, issue d’une transaction, historiquement explicable sans doute, entre la déraison de la foi et la saine raison scientifique ?

Il est évident que ce terrible mystère est inexplicable, c’est-à-dire qu’il est absurde, parce que l’absurde seul ne se laisse point expliquer. Il est évident que quiconque en a besoin pour son bonheur, pour sa vie, doit renoncer à sa raison, et, retournant s’il le peut à la foi naïve, aveugle, stupide, répéter, avec Tertullien et avec tous les croyants sincères, ces paroles qui résument la quintessence même de la théologie : Credo quia absurdum[1]. Alors toute discussion cesse, et il ne reste plus que la stupidité triomphante de la foi. Mais alors s’élève aussitôt une autre question : Comment peut naître dans un homme intelligent et instruit le besoin de croire en ce mystère ?


Que la croyance en Dieu, créateur, ordonnateur, juge, maître, malédicteur, sauveur et bienfaiteur |158 du monde, se soit conservée dans le peuple, et surtout dans les populations rurales, beaucoup plus encore que dans le prolétariat des villes, rien

  1. « Je crois cela, parce qu’absurde » ; c’est-à-dire : « La chose étant absurde, et ne pouvant m’être démontrée par la raison, force m’est, pour être chrétien, de la croire par la vertu de la foi ». — J. G.