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pattes devant le Dieu éternel, son Créateur et son Maître. Mais voici que vient Satan, l’éternel révolté, le premier libre-penseur et l’émancipateur des mondes. Il fait honte à l’homme de son ignorance et de son obéissance bestiales ; il l’émancipe et imprime sur son front le sceau de la liberté et de l’humanité, en le poussant à désobéir et à manger du fruit de la science.

|151 On sait le reste. Le bon Dieu, dont la prescience, qui constitue une des facultés divines, aurait dû l’avertir pourtant de ce qui devait arriver, se mit dans une terrible et ridicule fureur : il maudit Satan, l’homme et le monde créés par lui-même, se frappant pour ainsi dire lui-même dans sa création propre, comme font les enfants lorsqu’ils se mettent en colère ; et, non content de frapper nos ancêtres dans le présent, il les maudit dans toutes les générations à venir, innocentes du crime commis par leurs ancêtres. Nos théologiens catholiques et protestants trouvent cela très profond et très juste, précisément parce que c’est monstrueusement inique et absurde ! Puis, se rappelant qu’il n’était pas seulement un Dieu de vengeance et de colère, mais encore un Dieu d’amour, après avoir tourmenté l’existence de quelques milliards de pauvres êtres humains et les avoir condamnés à un enfer éternel, il eut pitié du reste, et, pour le sauver, pour réconcilier son amour éternel et divin avec sa colère éternelle et divine toujours avide de victimes et de sang, il envoya au monde, comme une victime expiatoire,