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de ce sentiment qui n’est autre que le premier fondement du sentiment religieux. Dans les animaux doués d’une organisation plus complète et qui se rapprochent davantage de l’homme, il se manifeste d’une manière beaucoup plus sensible pour nous, dans la peur instinctive et panique, par exemple, qui s’empare d’eux à l’approche de quelque grande catastrophe naturelle, telle qu’un tremblement de terre, un incendie de forêt ou une forte tempête, ou bien à l’approche de quelque féroce animal carnassier, d’un Prussien des forêts[1]. Et, en général, on peut dire que la peur est un des sentiments prédominants dans la vie animale. Tous les animaux vivant en liberté sont farouches, ce qui prouve qu’ils vivent dans une peur instinctive incessante, qu’ils ont toujours le sentiment du danger, c’est-à-dire celui d’une influence toute-puissante qui les poursuit, les pénètre et les enveloppe toujours et partout. Cette crainte, la crainte de Dieu, diraient les théologiens, est le commencement de la sagesse, c’est-à-dire de la religion. Mais chez les animaux elle ne devient pas une religion, parce qu’il leur |175 manque cette puissance de réflexion qui fixe le sentiment et en détermine l’objet, et qui transforme ce sentiment en une notion abstraite capable de se traduire en paroles. On a eu donc raison de dire que l’homme est religieux par nature, il l’est comme tous les autres animaux ;

  1. Se rappeler que Bakounine écrivait pendant la guerre. — J. G.