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en dehors de la matière. Mais aucun idéaliste n’a encore su répondre à cette question : La matière n’ayant point de limite ni dans sa longueur, ni dans sa largeur, ni dans sa profondeur, et l’esprit étant supposé résider en dehors de cette matière qui occupe dans tous les sens possibles toute l’infinité de l’espace, quelle peut être donc la place de l’esprit ? Ou bien il doit occuper la même place que la matière, être exactement répandu partout comme elle, avec elle, être inséparable de la matière, ou bien il ne peut exister. Mais si l’esprit pur est inséparable de la matière, alors il est perdu dans la matière et il n’existe que comme matière ; ce qui reviendrait à dire que la matière seule existe. Ou bien il faudrait supposer que tout en étant inséparable de |158 la matière, il reste en dehors d’elle. Mais où donc, puisque la matière occupe tout l’espace ? Si l’esprit est en dehors de la matière, il doit être limité par elle. Mais comment l’immatériel pourrait-il être soit limité, soit contenu par le matériel, l’infini par le fini ? Si l’esprit est absolument étranger à la matière, et indépendant d’elle, n’est-il pas évident qu’il ne doit, qu’il ne peut exercer sur elle la moindre action, avoir sur elle aucune prise ? car seul ce qui est matériel peut agir sur les choses matérielles.

On voit bien que de quelque manière qu’on pose cette question, on arrive nécessairement à une absurdité monstrueuse. En s’obstinant à faire vivre ensemble deux choses aussi incompatibles que l’esprit pur et la matière, on aboutit à la négation de