Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/225

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

|94 conséquence l’inanition, les maladies et la mort, jusqu’à ce qu’aient disparu un nombre de travailleurs suffisant pour rendre l’offre du travail non égale, mais conforme à la demande.

Ce que les économistes appellent l’égalité entre l’offre et la demande ne constitue pas encore l’égalité entre le demandeur et les offrants. Supposons que moi, fabricant, j’aie besoin décent travailleurs et qu’il s’en présente sur le marché précisément cent, seulement cent, — car s’il s’en présentait davantage l’offre surpasserait la demande, il y aurait inégalité évidente au détriment des travailleurs, et par conséquent diminution de salaires. Mais puisqu’il ne s’en est présenté que cent, et que moi, le fabricant, je n’ai besoin que de ce nombre précis, ni plus ni moins, il semble au premier abord qu’il y ait égalité parfaite : l’offre et la demande étant toutes deux égales à un même nombre, elles sont nécessairement égales entre elles. S’ensuit-il que les ouvriers pourront exiger de moi un salaire et des conditions de travail qui leur assurent les moyens d’une existence vraiment libre, digne et humaine ? Pas du tout. Si je leur accordais ce salaire et ces conditions, moi, capitaliste, je ne gagnerais pas plus qu’eux, et je ne le gagnerais encore qu’à la condition de travailler comme eux. Mais alors, pourquoi diable irais-je me tourmenter et me ruiner en leur offrant les avantages de mon capital ? Si je veux travailler moi-même comme ils travaillent, je placerai le capital autre part à intérêts aussi élevés que possible, et j’offrirai