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vexations, de toutes les oppressions et tortures dont il est la victime, et alors il s’élance comme un taureau enragé, ne voyant plus rien devant lui et brisant tout sur son passage. Mais ce sont des moments très rares et très courts. Ordinairement il est bon et humain. Il souffre trop lui-même pour ne point compatir aux souffrances. Souvent, hélas ! trop souvent, il a servi d’instrument à la fureur systématique des classes privilégiées. Toutes ces idées nationales, religieuses et politiques pour lesquelles |83 il a versé son propre sang et le sang de ses frères, les peuples étrangers, n’ont jamais servi que les intérêts de ces classes, et ont toujours tourné en nouvelle oppression et exploitation contre lui. Dans toutes les scènes furieuses de l’histoire de tous les pays, où les masses populaires, enragées jusqu’à la frénésie, s’entre-détruisirent, vous retrouverez toujours, derrière ces masses, des agitateurs et des directeurs appartenant aux classes privilégiées : des officiers, des nobles, des prêtres ou des bourgeois. Ce n’est donc pas dans le peuple, c’est dans les instincts, dans les passions et dans les institutions politiques et religieuses des classes privilégiées, c’est dans l’Église et dans l’État, c’est dans leurs lois et dans l’application impitoyable et inique de ces lois, qu’il faut chercher la cruauté et la fureur froide, concentrée et systématiquement organisée.

J’ai montré la fureur des bourgeois en 1848. Les fureurs de 1792, 1793 et 1794 furent également, exclusivement, des fureurs bourgeoises. Les fameux