Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/202

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

négligent ou dédaignent de le faire. Cette négligence, ce dédain, ne peuvent avoir pour source que la paresse, la lâcheté, ou l’inconséquence du caractère, l’inconsistance de l’esprit. Ce sont là des individus fort dangereux ; plus leurs capacités sont grandes, et plus ils sont condamnables et plus sévèrement ils doivent être châtiés ; car ils portent la désorganisation et la démoralisation dans la société. (Pilate a eu tort d’avoir fait pendre Jésus-Christ pour ses opinions religieuses et politiques ; il aurait dû le faire jeter en prison comme fainéant et comme vagabond.) Des hommes qui sont doués de capacités, et qui[1] |286 ne font pas fortune, peuvent devenir sans doute des démagogues fort dangereux, mais jamais d’utiles citoyens.

L’État ainsi constitué est la première condition ou la base, et, en même temps, le but suprême de toute civilisation humaine. Il en est la plus sublime expression sur cette terre. En dehors de l’État, point de civilisation ou d’humanisation possible des hommes, considérés tant au point de vue individuel, comme êtres séparément libres, qu’au point de vue collectif, comme humaine société. Chacun se doit à l’État, puisque l’État est la condition suprême de

  1. Le feuillet 285 est le dernier qui m’ait été envoyé par Bakounine (envoi du 18 mars 1871) ; il avait gardé par devers lui le feuillet 286 et quelques uns de ceux qui le suivent, et qui étaient déjà écrits avant son départ pour Florence. À son retour, il continua la rédaction de la note qui commence au feuillet 286, et la poussa jusqu’au feuillet 340, où le manuscrit s’interrompt. — J. G.