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que l’Église et le peuple adorent, sous ces formes saugrenues, est le même Dieu devant lequel s’incline gravement la tête majestueuse du philosophe doctrinaire.

Cette pensée consolante et rassurante a été fort bien exprimée par l’un des chefs les plus illustres de l’Église doctrinaire, par M. Guizot lui-même, qui, dans une brochure publiée en 1845 ou 1846, se réjouit fort de ce que la divine vérité soit si bien représentée en France, sous ses formes les plus différentes : L’Église catholique — dit-il dans cette brochure, que je n’ai pas sous la main — nous la donne sous la forme de l’autorité ; l’Église protestante, sous la forme du libre examen et de la libre conscience ; et l’Université sous celle de la pensée pure. Il faut être un homme bien religieux, n’est-ce pas, pour oser dire et imprimer, étant en même temps un homme intelligent et savant, de pareilles niaiseries !

11) La lutte qui avait mis en opposition les métaphysiciens |256 avec les théologiens s’est reproduite nécessairement dans le monde des intérêts matériels et de la politique. C’est la lutte mémorable de la liberté populaire contre l’autorité de l’État. Cette autorité, comme celle de l’Église au commencement de l’histoire, fut naturellement despotique ; et ce despotisme fut salutaire, les peuples ayant été d’abord trop sauvages, trop grossiers, trop peu mûrs pour la liberté, — ils le sont si peu même encore aujourd’hui ! — trop peu capables encore de plier librement, comme le font aujourd’hui les Allemands,