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des conséquences détestables. Elle a servi immensément au développement de l’esprit humain, en l’émancipant du joug de la foi aveugle sous lequel voulaient le retenir les théologiens, et en lui faisant reconnaître sa propre puissance et sa capacité de s’élever jusqu’aux choses divines, condition de l’humaine dignité et de l’humaine liberté. Mais, en même temps, elle a affaibli dans l’homme |253 une qualité précieuse : le respect divin, le sentiment de piété. L’esprit humain s’est laissé entraîner trop souvent, par la passion de la lutte, et par les triomphes faciles qu’il avait obtenus sur les défenseurs, toujours plus ou moins stupides, de la foi aveugle et des formes surannées des institutions religieuses, à nier le fond même de la foi ; et notamment, dans le siècle passé [le dix-huitième], il a poussé l’égarement jusqu’à se proclamer matérialiste et athée et jusqu’à vouloir renverser l’Église, oubliant, dans son orgueilleuse folie, qu’en osant nier l’Être divin il proclamait sa propre déchéance, sa matérialisation complète, et que toute sa grandeur, sa liberté, sa puissance consistent précisément dans la capacité qui lui est inhérente de s’élever jusqu’à Dieu, le grand, l’unique objet de toutes les pensées immortelles ; oubliant que cette Église qu’il prétendait follement renverser, et qui laisse beaucoup à désirer sans doute sous le rapport de ses mœurs, de ses coutumes, de ses formes, qui ne sont plus à la hauteur du siècle, n’en est pas moins une institution divine, fondée, comme l’État, par des hommes divinement