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reux qu’abruti par l’esclavage. Ce fut le premier réveil, la première révolte principielle du prolétariat.

Le grand honneur du christianisme, son mérite incontestable et tout le secret de son triomphe inouï et d’ailleurs tout à fait légitime, ce fut de s’être adressé à ce public souffrant et immense, auquel le monde antique, constituant une aristocratie intellectuelle et politique étroite et féroce, déniait jusqu’aux derniers attributs et aux droits les plus simples de l’humanité. Autrement il n’aurait jamais pu se répandre. La doctrine qu’enseignaient les apôtres du Christ, toute consolante qu’elle ait pu paraître aux malheureux, était trop révoltante, trop absurde, au point de vue de la raison humaine, pour que des hommes éclairés eussent pu l’accepter. Aussi avec quel triomphe l’apôtre saint Paul ne parle-t-il pas du scandale de la foi, et du triomphe de cette divine folie repoussée par les puissants et les sages du siècle, mais d’autant plus passionnément acceptée par les simples, les ignorants et les pauvres d’esprit !

En effet, il fallait un bien profond mécontentement de la vie, une bien grande soif du cœur, et une pauvreté à peu près absolue de l’esprit, pour accepter l’absurdité chrétienne, de toutes les absurdités religieuses la plus hardie et la plus monstrueuse.

|234 Ce n’était pas seulement la négation de toutes les institutions politiques, sociales et religieuses de l’antiquité : c’était le renversement absolu du sens commun, de toute raison humaine. L’Être effectivement existant, le monde réel, était considéré désor-