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que sorte sa conscience collective. Mais il est un côté par lequel elle se rallie absolument toutes ces doctrines : c’est qu’elle n’a et ne peut avoir pour objet que des abstractions, et qu’elle est forcée, par sa nature même, d’ignorer les individus réels, en dehors desquels les abstractions même les plus vraies n’ont point de réelle existence. Pour remédier à ce défaut radical, voici la différence qui devra s’établir entre l’agissement pratique des doctrines précédentes et celui de la science positive. Les premières se sont prévalues de l’ignorance des masses pour les sacrifier avec volupté à leurs abstractions, d’ailleurs toujours très lucratives, pour leurs représentants corporels. La seconde, reconnaissant son incapacité absolue de concevoir les individus réels et de s’intéresser à leur sort, doit définitivement et absolument renoncer au gouvernement de la société ; car si elle s’en mêlait, elle ne pourrait faire autrement que de sacrifier toujours les hommes vivants, qu’elle ignore, à ses abstractions qui forment l’unique objet de ses préoccupations légitimes.

La vraie science de l’histoire, par exemple, n’existe pas encore, et c’est à peine si on commence à entrevoir aujourd’hui les conditions immensément compliquées de cette science. Mais supposons-la enfin réalisée : que pourra-t-elle nous donner ? Elle reproduira le tableau raisonné et fidèle du développement naturel des conditions |220 générales, tant matérielles qu’idéelles, tant économiques que politiques et sociales, religieuses, philosophiques, esthétiques et