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détruire la science, — ce serait un crime de lèse-humanité, — mais pour la remettre à sa place, de manière qu’elle ne puisse plus jamais en sortir. Jusqu’à présent toute l’histoire humaine n’a été qu’une immolation perpétuelle et sanglante de millions de pauvres êtres humains à une abstraction impitoyable quelconque : dieux, patrie, puissance de l’État, honneur national, droits historiques, droits juridiques, liberté politique, bien public. Tel a été jusqu’à ce jour le mouvement naturel, spontané et fatal des sociétés humaines. Nous ne pouvons rien y faire, nous devons bien l’accepter, quant au passé, comme nous acceptons toutes les fatalités naturelles. Il faut croire que c’était la seule voie possible pour l’éducation de l’espèce humaine. Car il ne faut pas s’y tromper : |218 même en faisant la part la plus large aux artifices machiavéliques des classes gouvernantes, nous devons reconnaître qu’aucunes minorités n’eussent été assez puissantes pour imposer tous ces horribles sacrifices aux masses, s’il n’y avait eu dans ces masses elles-mêmes un mouvement vertigineux, spontané, qui les poussât à se sacrifier toujours de nouveau à l’une de ces abstractions dévorantes qui, comme les vampires de l’histoire, se sont toujours nourries de sang humain.

Que les théologiens, les politiciens et les juristes trouvent cela fort bien, cela se conçoit. Prêtres de ces abstractions, ils ne vivent que de cette continuelle immolation des masses populaires. Que la métaphysique y donne aussi son consentement,