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|208 De tous les despotismes, celui des doctrinaires ou des inspirés religieux est le pire. Ils sont si jaloux de la gloire de leur Dieu et du triomphe de leur idée, qu’il ne leur reste plus de cœur ni pour la liberté, ni pour la dignité, ni même pour les souffrances des hommes vivants, des hommes réels. Le zèle divin, la préoccupation de l’idée finissent par dessécher dans les âmes les plus tendres, dans les cœurs les plus compatissants, les sources de l’amour humain. Considérant tout ce qui est, tout ce qui se fait dans le monde, au point de vue de l’éternité ou de l’idée abstraite, ils traitent avec dédain les choses passagères ; mais toute la vie des hommes réels, des hommes en chair et en os, n’est composée que de choses passagères ; eux-mêmes ne sont que des êtres qui passent, et qui, une fois passés, sont bien remplacés par d’autres tout aussi passagers, mais qui ne reviennent jamais en personne. Ce qu’il y a de permanent ou de relativement éternel dans les hommes réels, c’est le fait de l’humanité qui, en se développant constamment, passe, toujours plus riche, d’une génération à une autre. Je dis relativement éternel, parce qu’une fois notre planète détruite, — et elle ne peut manquer de périr tôt ou tard, toute chose qui a commencé devant nécessairement finir, — une fois notre planète décomposée, pour servir sans doute d’élément à quelque formation nouvelle dans le système de l’univers, le seul réellement éternel, qui sait ce qui adviendra de tout notre développement humain ? Pourtant, comme le moment de cette