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mières ! qui se traduit aujourd’hui par ce cri plus formidable encore : « À bas tous les exploiteurs et tous les tuteurs de l’humanité ; liberté et prospérité au travail, égalité de tous et fraternité du monde humain, constitué librement sur les ruines de tous les États ! »

Ce fut le moment critique pour la Réforme religieuse et pour toute la destinée politique de l’Allemagne. Si Luther avait voulu se mettre à la tête de ce grand mouvement populaire, socialiste, des populations rurales |134 insurgées contre leurs seigneurs féodaux, si la bourgeoisie des villes l’avait appuyé, c’en était fait de l’Empire, du despotisme princier et de l’insolence nobiliaire en Allemagne. Mais pour l’appuyer, il eût fallu que Luther ne fût pas un théologien, plus soucieux de la gloire divine que de la dignité humaine, et indigné que des hommes opprimés, des serfs qui ne devaient |116 penser qu’au salut de leurs âmes, eussent osé revendiquer leur portion de bonheur humain sur cette terre ; il eût fallu aussi que les bourgeois des villes de l’Allemagne ne fussent pas des bourgeois allemands.

Écrasée par l’indifférence et en très grande partie aussi par l’hostilité notoire des villes et par les malédictions théologiques de Mélanchthon et de Luther, beaucoup plus encore que par la force armée des seigneurs et des princes, cette formidable révolte des paysans de l’Allemagne fut vaincue. Dix ans plus tard fut également étouffée une autre insurrection, la dernière qui ait été provoquée en Allemagne