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Dans la seconde moitié du quinzième siècle, en France, nous voyons la naissance du vrai despotisme royal, renforcé par cette guerre. C’est l’époque de Louis XI, un rude compère, valant à lui seul Guillaume Ier avec ses Bismarck et Moltke, le fondateur de la centralisation bureaucratique et militaire de |123 la France, le créateur de l’État. Il daigne bien encore quelquefois s’appuyer sur les sympathies intéressées de sa fidèle bourgeoisie, qui voit avec plaisir son bon roi abattre les têtes, si arrogantes et si fières, de ses seigneurs féodaux ; mais on sent déjà à la manière dont il se comporte avec elle que, si elle ne voulait pas l’appuyer, il saurait bien l’y forcer. Toute indépendance, nobiliaire ou bourgeoise, spirituelle ou temporelle, lui est également odieuse. Il abolit la chevalerie |107 et institue les ordres militaires : voilà pour la noblesse. Il impose ses bonnes villes selon sa convenance et dicte sa volonté aux États-généraux : voilà pour la liberté bourgeoise. Il défend enfin la lecture des ouvrages des nominaux et ordonne celle des réaux[1] : voilà pour la libre pensée. Eh bien, malgré une si dure compression, la France donne naissance à Rabelais à la fin du quinzième siècle : un génie profondément populaire, gaulois, et tout débordant de cet esprit de révolte humaine qui caractérise le siècle de la Renaissance.

  1. Les nominaux, matérialistes autant que pouvaient l’être des philosophes scolastiques, n’admettaient pas la réalité des idées abstraites ; les réaux, au contraire, penseurs orthodoxes, soutenaient l’existence réelle de ces idées. (J. G., note ajoutée en 1871 au manuscrit de Bakounine.)