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gique, la plus franche, d’étreindre beaucoup de questions et d’intérêts à la fois, toute dictature, tant individuelle que collective, en tant que composée de plusieurs personnages officiels, étant nécessairement très bornée, très aveugle, et incapable ni de pénétrer dans les profondeurs, ni d’embrasser toute la largeur de la vie populaire, — aussi bien qu’il est impossible pour le plus puissant vaisseau de mesurer la profondeur et la largeur de l’océan ; et ensuite, parce que tout acte d’autorité et de puissance officielle, légalement imposé, réveille nécessairement dans les masses un sentiment de révolte, la réaction.

Que doivent donc faire les autorités révolutionnaires — et tâchons qu’il y en ait aussi peu que possible — que doivent-elles faire pour étendre et pour organiser la révolution ? Elles doivent non la faire elles-mêmes par des décrets, non l’imposer aux masses, mais la provoquer dans les masses. Elles doivent non leur imposer une organisation quelconque, mais en suscitant leur organisation autonome de bas en haut, travailler sous main, à l’aide de l’influence individuelle sur les individus les plus intelligents et les plus influents de chaque localité, pour que cette organisation soit autant que possible conforme à nos principes. — Tout le secret de notre triomphe est là.

Que ce travail rencontre d’immenses difficultés, qui peut en douter ? Mais pense-t-on que la révolution soit un jeu d’enfant, et qu’on puisse la faire sans vaincre des difficultés innombrables ? Les révolutionnaires socialistes de nos jours n’ont rien ou presque rien à imiter dans les procédés révolutionnaires des Jacobins de 1793. La routine révolutionnaire les perdrait. Ils doivent travailler dans le vif, ils doivent tout créer.