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officiels et patentés de l’ordre public et de la sécurité des propriétés et des personnes, ne se font jamais faute de recourir à de pareilles mesures, lorsque ces mesures deviennent nécessaires à leur conservation. Ils se font révolutionnaires au besoin, et ils exploitent, ils détournent à leur profit les mauvaises passions, les passions socialistes. Et nous, révolutionnaires socialistes, nous ne saurions pas nous emparer de ces mêmes passions pour les diriger vers leur but véritable, vers un but conforme aux instincts profonds qui les excitent ! Ces instincts, je le répète encore, sont profondément socialistes, car ce sont ceux de tout homme du travail contre tous les exploiteurs du travail, — et tout le socialisme élémentaire, naturel et réel est là. Tout le reste, les différents systèmes d’organisation économique et sociale, tout cela n’est qu’un développement expérimental, et plus ou moins scientifique, et, par malheur aussi, trop souvent doctrinaire, de cet instinct primitif et fondamental du peuple.

Si nous voulons vraiment devenir pratiques, si, fatigués des rêves, nous voulons faire la révolution, il faut que nous commencions par nous délivrer nous-mêmes d’une quantité de préjugés doctrinaires nés au sein de la bourgeoisie et passés malheureusement en trop grande proportion de la classe bourgeoise dans le prolétariat des villes lui-même. L’ouvrier des villes, plus éclairé que le paysan, trop souvent le méprise et en parle avec un dédain tout bourgeois. Mais rien ne met autant en colère que le dédain et le mépris, — ce qui fait que le paysan répond au mépris du travailleur des villes par |43 sa haine.[1] Et c’est un grand malheur,

  1. Le contenu de la page 42 du manuscrit a servi à la rédaction de la fin de la Lettre II, page 10 de la brochure (voir p. 93, l. 5, de cette réimpression). — J. G.