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avez de l’argent, et vous envoyez les pauvres gens à la guerre. Eh bien nous allons chez nous et qu’on vienne nous y chercher. » Dans ces paroles on peut voir la vive expression de la rancune héréditaire du paysan contre le propriétaire riche, mais nullement le désir fanatique de se sacrifier et d’aller se faire tuer pour l’empereur ; au contraire le désir tout à fait naturel d’échapper au service militaire.

[1] Ce n’est point la première fois qu’un gouvernement exploite la haine naturelle des paysans contre les riches propriétaires et contre les riches bourgeois. C’est ainsi qu’à la fin du siècle dernier le cardinal Ruffo, de sanglante mémoire, a soulevé les paysans de la Calabre contre les libéraux du royaume de Naples qui avaient institué une république à l’ombre du drapeau républicain de la France. Au fond le soulèvement dirigé par Ruffo n’était qu’un mouvement socialiste. Les paysans calabrais commencèrent par piller les châteaux, et arrivant dans les villes, ils pillèrent les maisons des bourgeois, mais ils ne touchèrent point le peuple. En 1846 les agents du prince de Metternich soulevèrent de la même manière les paysans de la Galicie, contre les nobles seigneurs et propriétaires polonais qui méditaient un soulèvement patriotique ; |41 et bien avant lui, l’impératrice Catherine II de Russie avait fait massacrer des milliers de nobles polonais par les paysans de l’Ukraine. Enfin, en 1863, le gouvernement russe, suivant ce double exemple, a suscité une jacquerie en Ukraine et dans une partie de la Lithuanie contre les patriotes polonais, appartenant en plus grande partie à la classe nobiliaire. Vous voyez que les gouvernements, ces protecteurs

  1. Cet alinéa du manuscrit a été omis dans la brochure, de même que le commencement de l’alinéa qui le suit. — J. G.