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la puissance prussienne en particulier. D’un côté, ils ont devant eux la gloire d’une conquête encore très peu certaine et qu’ils devront payer dans tous les cas par d’immenses sacrifices en argent et en hommes. D’un autre côté, une paix si triomphante qu’ils n’auraient pas même osé la rêver au début de la campagne, le remboursement de tous les frais de la guerre, peut-être même la Lorraine et l’Alsace, que seuls Napoléon III et Mme Eugénie seront capables de leur céder et se trouveront dans la position de pouvoir céder, soit au nom de l’empereur actuel, soit au nom de son fils mineur, la constitution de l’Empire germanique et l’hégémonie de l’Allemagne incontestée et solidement établie ; enfin la soumission de la France, pour une dizaine d’années au moins ; car personne ne pourra leur garantir cette soumission mieux et plus sincèrement que Napoléon III ou son fils. Il est certain que s’il survit et garde son pouvoir après cette guerre, après la paix désastreuse et déshonorante qu’il aura signée et qui réduira la France à l’état de seconde puissance, Napoléon III d’abord, puis son fils seront tellement méprisés et détestés par la France, qu’ils auront besoin de la protection directe de la Prusse pour se maintenir sur leur trône, comme Victor-Emmanuel jusqu’ici a eu besoin de l’assistance spéciale de la France pour garder sa couronne.

Il est donc certain et incontestable qu’aucun souverain ni aucun gouvernement de France ne pourra leur concéder autant d’avantages et de sécurité que la dynastie Bonaparte. Peut-on douter après cela que Bismarck ne songe déjà à traiter avec Napoléon III et à ne traiter qu’avec lui, c’est-à-dire à le conserver quand même sur le trône de France ? Reste à savoir si Napoléon III et Mme Eugénie sont lâches à ce point d’accepter et de