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sa vie un idéaliste incorrigible, s’inspirant, comme je le lui ai dit deux mois avant sa mort[1], tantôt de la Bible, tantôt du droit romain, et métaphysicien toujours jusqu’au bout des ongles. Son grand malheur est de n’avoir jamais étudié les sciences naturelles, et de ne s’en être pas approprié la méthode. Il a eu des instincts de génie qui lui avaient fait entrevoir la voie juste, mais, entraîné par les mauvaises habitudes idéalistes de son esprit, il retombait toujours dans les vieilles erreurs : ce qui a fait que Proudhon a été une contradiction perpétuelle, — un génie vigoureux, un penseur révolutionnaire se débattant toujours contre les fantômes de l’idéalisme, et n’étant jamais parvenu à les vaincre.

« Marx, comme penseur, est dans la bonne voie. Il a établi comme principe que toutes les évolutions politiques, religieuses et juridiques dans l’histoire sont, non les causes, mais les effets des évolutions économiques. C’est une grande et féconde pensée, qu’il n’a pas absolument inventée : elle a été entrevue, exprimée en partie, par bien d’autres que lui ; mais enfin, à lui appartient l’honneur de l’avoir solidement établie et de l’avoir posée comme base de tout son système économique. D’un autre côté, Proudhon avait compris et senti

  1. Proudhon est mort le 19 janvier 1863.