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faible ; et comme ils ne peuvent se conserver dans cette lutte qu’en augmentant chaque jour leur puissance, tant à l’intérieur, contre leurs propres sujets, qu’à l’extérieur, contre les puissances voisines, — il en résulte que la loi suprême de l’État, c’est l’augmentation de sa puissance au détriment de la liberté intérieure et de la justice extérieure.

Telle est dans sa franche réalité l’unique morale, l’uni |41 que fin de l’État. Il n’adore Dieu lui-même qu’autant qu’il est son Dieu exclusif, la sanction de sa puissance et de ce qu’il appelle son droit, c’est-à-dire son droit d’être quand même et de s’étendre toujours au détriment de tous les autres États. Tout ce qui sert à cette fin est méritoire, légitime, vertueux. Tout ce qui lui nuit est criminel. La morale de l’État est donc le renversement de la justice humaine, de la morale humaine.

Cette morale transcendante, extra-humaine et par là même anti-humaine des États n’est pas le fruit de la seule corruption des hommes qui en remplissent les fonctions. On pourrait dire plutôt que la corruption de ces hommes est la conséquence naturelle, nécessaire de l’institution des États. Cette morale n’est rien que le développement du principe fondamental de l’État, l’expression inévitable d’une nécessité inhérente à l’État. L’État n’est pas autre chose que la négation de l’humanité ; c’est une collectivité restreinte qui veut prendre sa place et veut s’imposer à elle comme une fin suprême, laquelle tout doit servir, tout doit se soumettre.