Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/114

Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’attention et touche aux intérêts de tout le monde. Ces cas sont excessivement rares. La plupart du temps, les lois proposées ont un caractère tellement spécial, qu’il faut avoir l’habitude des abstractions politiques et juridiques pour en saisir la véritable portée. Elles échappent naturellement à l’attention et à la compréhension du peuple, qui les vote en aveugle, sur la foi de ses orateurs favoris. Prises séparément, chacune de ces lois paraît trop insignifiante pour intéresser beaucoup le peuple, mais en |26 semble elles forment un réseau qui l’enchaîne. Et c’est ainsi qu’avec et malgré le referendum, il reste, sous le nom de peuple souverain, l’instrument et le serviteur très humble de la bourgeoisie.

On le voit bien, dans le système représentatif, même corrigé par le referendum, le contrôle populaire n’existe pas ; et, comme il ne peut y avoir de liberté sérieuse pour le peuple sans ce contrôle, nous en concluons que notre liberté populaire, notre gouvernement par nous-mêmes, est un mensonge.

Ce qui se passe chaque jour dans tous les cantons de la Suisse nous confirme dans cette triste conviction. Quel est le canton où le peuple exerce une action réelle et directe sur les lois fabriquées dans son Grand-Conseil et sur les mesures ordonnées par son Petit-Conseil[1] ? où ce souverain fictif ne soit traité par ses propres élus comme un mineur éter-

  1. Le Petit-Conseil ou Conseil d’État est le pouvoir exécutif cantonal ; le pouvoir législatif cantonal s’appelle Grand-Conseil. — J. G.