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la puissance de les transformer en gendarmes des puissances étrangères. Il y aurait eu sans doute des cantons très réactionnaires. Et n’en existe-t-il pas aujourd’hui ? N’y a-t-il pas des cantons où l’on condamne au fouet les personnes qui osent nier la divinité de Jésus-Christ, sans que le pouvoir fédéral s’en mêle[1] ? Mais il y aurait, à côté de ces cantons réactionnaires, d’autres cantons largement pénétrés de l’esprit de liberté et dont le Conseil fédéral ne pourrait plus arrêter l’élan progressif. Ces cantons, loin d’être paralysés par les cantons réactionnaires, finiraient par les entraîner avec eux. Car la liberté est contagieuse, et la liberté seule — non les gouvernements — crée la liberté.

La société moderne est tellement convaincue de cette vérité : que tout pouvoir politique, quelle que soit son origine et sa forme, tend nécessairement au despotisme, — que, dans tous les pays où elle a pu s’émanciper quelque peu, elle s’est empressée de soumettre les gouvernements, lors même qu’ils sont issus de la révolution et de l’élection populaire, à un contrôle aussi sévère que possible. Elle a mis tout le salut de la liberté dans l’organisation réelle et sérieuse du contrôle exercé par l’opinion et par la volonté populaire sur tous les hommes |21 investis de la force publique. Dans tous les pays jouissant du

  1. Un ouvrier typographe, nommé Ryniker, avait été condamné en 1865 à la peine du fouet par le tribunal correctionnel du canton d’Uri, pour avoir écrit et publié une brochure dans laquelle il attaquait le dogme de la divinité de Jésus. — J. G.