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son Évangile des droits de l’homme ; depuis qu’elle a proclamé que tous les hommes sont égaux, tous également appelés à la liberté et à l’humanité, — les masses populaires dans toute l’Europe, dans tout le monde civilisé, se réveillant peu à peu du sommeil qui les avait tenues enchaînées depuis que le Christianisme les avait endormies de ses pavots, commencent à se demander si elles aussi n’ont pas droit à l’égalité, à la liberté et à l’humanité ?

Du moment que cette question fut posée, le peuple partout dirigé par son bon sens admirable aussi bien que par son instinct, a compris, que la première condition de son émancipation réelle, ou si vous voulez me permettre ce mot, de son humanisation, c’était avant tout une réforme radicale de ses conditions économiques. La question du pain est pour lui à juste titre la première question, car Aristote l’a déjà remarqué : l’homme, pour penser, pour sentir librement, pour devenir un homme, doit être libre des préoccupations de la vie matérielle. — D’ailleurs les bourgeois qui crient si fort contre le matérialisme du peuple, et qui lui prêchent les abstinences de l’idéalisme, le savent très bien, car ils prêchent de paroles, non d’exemple. — La seconde question pour le peuple est celle de loisir après le travail, condition sine qua non de l’humanité ; mais pain et loisir ne peuvent jamais être pour lui obtenus que par une transformation ra-