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Toutes ces différentes existences politiques et sociales se laissent aujourd’hui réduire à deux principales catégories, diamétralement opposées l’une à l’autre, et ennemies naturelles l’une de l’autre : les classes politiques[1], composées de tous les privilégiés tant de la terre que du capital, ou même seulement de l’éducation bourgeoise[2], — et les classes ouvrières déshéritées aussi bien du capital que de la terre, et privées de toute éducation et de toute instruction.

Il faudrait être un sophiste ou un aveugle pour nier l’existence de l’abîme qui sépare aujourd’hui ces deux classes. Comme dans le monde antique, notre civilisation moderne, comprenant une minorité comparativement fort restreinte de citoyens privilégiés, a pour base le travail forcé (par la faim) de l’immense majorité des populations, vouées fatalement à l’ignorance et à la brutalité.

C’est en vain aussi qu’on s’efforcerait de se persuader que cet abîme pourra être comblé par la simple diffusion des lumières dans les masses populaires. Il est très bien de fonder des écoles pour le peuple ; en-

  1. (Leg. privilégiées ?)
  2. À défaut même de tout autre bien, cette éducation bourgeoise, avec l’aide de la solidarité qui relie tous les membres du monde bourgeois, assure à quiconque l’a reçue, un privilège énorme dans la rémunération de son travail, — le travail des bourgeois le plus médiocre se payant presque toujours trois, quatre fois plus que celui de l’ouvrier le plus intelligent.