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conquête, ou ce que dans la vie privée on appelle le vol avec effraction, — acte béni par l’Église d’une religion quelconque, consacré par le temps et par là même transformé en droit historique, — et s’appuyant sur cette divine consécration de la violence triomphante comme sur un droit exclusif et suprême, chaque État centraliste se pose par là même comme une négation absolue du droit de tous les autres États, ne les reconnaissant jamais, dans les traités qu’il conclut avec eux, que dans un intérêt politique ou par impuissance.

5o Que tous les adhérents de la Ligue devront par conséquent tendre par tous leurs efforts à reconstituer leurs patries respectives, afin d’y remplacer l’ancienne organisation fondée, de haut en bas, sur la violence et sur le principe d’autorité, par une organisation nouvelle n’ayant d’autre base que les intérêts, les besoins et les attractions naturelles des populations, ni d’autre principe que la fédération libre des individus dans les communes, des communes dans les provinces[1], des provinces dans les nations, enfin

  1. L’illustre patriote italien, Joseph Mazzini, dont l’idéal républicain n’est autre que la république française de 1793, refondue dans les traditions poétiques de Dante et dans les souvenirs ambitieux de Rome, souveraine du monde, puis revue et corrigée au point de vue d’une théologie nouvelle, à demi rationnelle et à demi mystique, — ce patriote éminent, ambitieux, passionné et toujours exclusif, malgré tous les efforts qu’il a faits pour s’élever à la hauteur de la justice internationale, et qui a toujours préféré la grandeur et la puissance de sa patrie à son bien être et à sa liberté, — Mazzini a été toujours l’adversaire acharné de l’autonomie des provinces, qui dérangerait naturellement la sévère uniformité de son grand État italien. Il prétend que pour contrebalancer l’omnipotence de la république fortement constituée, l’autonomie des communes suffira. Il se trompe : aucune commune isolée ne serait capable de résister à la puissance de cette centralisation formidable ; elle en serait écrasée. Pour ne point succomber dans cette lutte, elle devrait donc se fédérer, en vue d’une commune résistance, avec toutes les communes voisines, c’est-à-dire qu’elle devrait former avec elles une province autonome. En outre, du moment que les provinces ne seront point autonomes, il faudra les gouverner par des fonctionnaires de l’État. Entre le fédéralisme rigoureusement conséquent et le régime bureaucratique il n’y a point de milieu. D’où il résulte que la république voulue par Mazzini, serait un État bureaucratique et, par conséquent, militaire, fondé en vue de la puissance extérieure et non de la justice internationale ni de la liberté intérieure. En 1793, sous le régime de la Terreur, les communes de la France ont été reconnues autonomes, ce qui ne les a pas empêchées d’avoir été écrasées par le despotisme révolutionnaire de la Convention ou plutôt par celui de la Commune de Paris, dont Napoléon hérita naturellement.