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que Dieu peut avoir besoin de l’amour des hommes. Car avoir besoin signifie manquer d’une chose qui est nécessaire à la plénitude de l’existence, c’est donc une manifestation de faiblesse, un aveu de pauvreté. Dieu, absolument complet en lui-même, ne peut avoir besoin de personne, ni de rien. N’ayant aucun besoin de l’amour des hommes, il ne peut les aimer ; et ce qu’on appelle son amour pour les hommes n’est rien qu’un écrasement absolu, pareil et naturellement plus formidable encore que celui que le puissant Empereur de l’Allemagne exerce aujourd’hui vis-à-vis de tous ses sujets. L’amour des hommes pour Dieu ressemble aussi beaucoup à celui des Allemands pour ce monarque devenu aujourd’hui si puissant, qu’après Dieu, nous ne connaissons pas de puissance plus grande que la sienne.

L’amour vrai, réel, expression d’un besoin mutuel et égal, ne peut exister qu’entre égaux. L’amour du supérieur à l’inférieur, c’est l’écrasement, l’oppression, le mépris, c’est l’égoïsme, l’orgueil, la vanité triomphants dans le sentiment d’une grandeur fondée sur l’abaissement d’autrui. L’amour de l’inférieur au supérieur, c’est l’humiliation, les terreurs et les espérances de l’esclave qui attend de son maître soit le malheur, soit le bonheur.

Tel est le caractère du soi-disant amour de Dieu pour les hommes et des hommes pour Dieu.