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bien que dans l’avenir. Car si elle avait eu un commencement, elle aurait inévitablement une fin, elle ne serait point immortelle. Qu’a-t-elle été, qu’a-t-elle fait pendant toute cette éternité qu’elle laisse derrière elle ? Dieu seul le sait ; quant à elle-même elle ne s’en souvient pas, elle l’ignore. C’est un grand mystère, plein de contradictions criantes, pour résoudre lesquelles il faut en appeler à la contradictions suprême, à Dieu. Toujours est-il qu’elle conserve sans s’en douter elle-même, dans on ne sait quel endroit mystérieux de son être, tous les principes divins. Mais perdue dans son corps terrestre, abrutie par les conditions grossièrement matérielles de sa naissance et de son existence sur la terre, elle n’a plus la capacité de les concevoir, ni même la puissance de s’en ressouvenir. C’est comme si elle ne les avait pas du tout. Mais voici que dans la société une foule d’âmes humaines, toutes également immortelles par leur essence, et toutes également abruties, avilies et matérialisées dans leur existence réelle, se rencontrent. D’abord elles se reconnaissent si peu qu’une âme matérialisée en mange une autre. L’anthropophagie, on le sait, fut la première pratique du genre humain. Ensuite, continuant à se faire une guerre acharnée, chacune s’efforce à s’asservir toutes les autres — c’est la longue période de l’esclavage, période qui est bien loin d’être arrivée à son