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loi morale n’est pas un fait individuel, mais social, une création de la société.

S’il en était autrement, la loi morale inscrite dans mon cœur serait absurde ; elle réglerait mes rapports avec des êtres avec lesquels je n’aurais aucuns rapports et dont j’ignorerais même l’existence.

À cela les métaphysiciens ont une réponse. Ils disent que chaque individu humain l’apporte bien, en naissant, inscrite par la main de Dieu même dans son cœur, mais qu’elle ne s’y trouve d’abord qu’à l’état latent, seulement à l’état de puissance, non réalisée, ni manifestée pour l’individu lui-même, qui ne peut la réaliser, et qui ne parvient à la déchiffrer, en lui-même, qu’en se développant dans la société de ses semblables ; que l’homme, en un mot, n’arrive à la conscience de cette loi, qui lui est inhérente, que par ses rapports avec d’autres hommes.

Par cette explication, sinon judicieuse, du moins très plausible, nous voilà ramenés à la doctrine des idées, des sentiments et des principes innés. On connaît cette doctrine ; l’âme humaine, immortelle, et infinie en son essence, mais corporellement déterminée, limitée, alourdie et pour ainsi dire aveuglée et anéantie dans son existence réelle, contient tous ces principes éternels et divins, mais à son insu, sans s’en douter d’abord le moins du monde. Immortelle, elle doit être nécessairement éternelle dans le passé aussi