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nir est encore un mensonge, car le nombre des élus est excessivement restreint, on le sait. Sur ce point-là, les théologiens des sectes chrétiennes les plus différentes sont unanimes. Donc la soi-disant égalité chrétienne aboutit au plus criant privilège, à celui de quelques milliers d’élus par la grâce divine sur des millions de damnés. D’ailleurs cette égalité de tous devant Dieu, alors même qu’elle devait se réaliser pour chacun, ne serait encore que l’égale nullité et l’esclavage égal de tous devant un maître suprême. Le fondement du culte chrétien et la première condition de salut, n’est-ce pas la renonciation à la dignité humaine et le mépris de cette dignité en présence de la grandeur divine ? Un chrétien n’est donc pas un homme, dans ce sens qu’il n’a pas la conscience de l’humanité, et parce que, ne respectant pas la dignité humaine en soi-même, il ne peut la respecter en autrui ; et ne la respectant pas en autrui, il ne peut la respecter en soi-même. Un chrétien peut être un prophète, un saint, un prêtre, un roi, un général, un ministre, un fonctionnaire, le représentant d’une autorité quelconque, un gendarme, un bourreau, un noble, un bourgeois exploitant ou un prolétaire asservi, un oppresseur ou un opprimé, un tortureur ou un torturé, un maître ou un salarié, mais il n’a pas le droit de se dire un homme, parce que l’homme ne devient réellement tel que lorsqu’il res-