Page:Bakounine - Œuvres t1.djvu/310

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tendent qu’elle est antérieure à toute société, et que tout homme l’apporte en naissant, avec son âme immortelle, comme un don divin. D’où il résulte que l’homme est quelque chose, qu’il n’est même complètement lui-même, un être entier et en quelque sorte absolu qu’en dehors de la société. Étant libre lui-même antérieurement et en dehors de la société, il forme nécessairement cette dernière par un acte volontaire et par une sorte de contrat soit instinctif ou tacite, soit réfléchi et formel. En un mot, dans cette théorie, ce ne sont pas les individus qui sont créés par la société, ce sont eux au contraire qui la créent, poussés par quelque nécessité extérieure, telles que le travail et la guerre.

On voit que, dans cette théorie, la société proprement dite n’existe pas ; la société humaine naturelle, le point de départ réel de toute humaine civilisation, le seul milieu dans lequel puisse réellement naître et se développer la personnalité et la liberté des hommes lui est parfaitement inconnue. Elle ne reconnaît d’un côté que les individus, êtres existants par eux-mêmes et libres d’eux-mêmes, et de l’autre, cette société conventionnelle, formée arbitrairement par ces individus et fondée sur un contrat soit formel, soit tacite c’est-à-dire l’État. (Ils savent fort bien qu’aucun État historique n’a jamais eu un contrat pour base et que tous ont été fondés par la violence, par la conquête.