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hommes, mais que la raison humaine, qui triomphe de plus en plus dans l’histoire, le détruit.

Enfin, qu’il est singulier, ce Dieu des chrétiens ! Il créa l’homme de manière à ce qu’il puisse, à ce qu’il doive pécher et tomber. Dieu ayant parmi ses attributs infinis la toute-science, ne pouvait ignorer, en créant l’homme, qu’il tomberait ; et puisque Dieu le savait, l’homme devait tomber : autrement il aurait donné un démenti insolent à la toute-science divine. Que nous parle-t-on donc de liberté humaine ? il y avait fatalité ! Obéissant à cette pente fatale, — ce que d’ailleurs le plus simple père de famille aurait pu prévoir à la place du bon Dieu, — l’homme tombe : et voilà que la divine perfection se met dans une terrible colère, dans une colère aussi ridicule qu’odieuse ; Dieu ne maudit pas seulement les transgresseurs de sa loi, mais toute la descendance humaine, alors même qu’elle n’existait pas encore, et que, par conséquent elle était absolument innocente du péché de nos premiers parents ; et non content de cette révoltante injustice, il maudit encore ce monde harmonieux qui n’y était pour rien, et le transforme en un réceptacle de crimes et d’horreurs, en une perpétuelle boucherie. Puis, esclave de sa propre colère et de la malédiction prononcée par lui-même contre les hommes et le monde, contre sa propre création, et se rappelant un peu tard qu’il était un Dieu d’amour, que fait-il ?