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Telle est dans sa pureté idéale la théorie identique de l’Église et de l’État. C’est une pure abstraction ; mais toute abstraction historique suppose des faits historiques. Ces faits, comme je l’ai déjà dit dans mon précédent article, sont d’une nature toute réelle, toute brutale : c’est la violence, la spoliation, l’asservissement, la conquête. L’homme est ainsi formé, qu’il ne se contente pas de faire, il a encore le besoin de s’expliquer et de légitimer, devant sa propre conscience et aux yeux de tout le monde, ce qu’il a fait. La religion est donc venue à point pour bénir les faits accomplis et, grâce à cette bénédiction, le fait inique et brutal s’est transformé en droit. La science juridique et le droit politique, comme on sait, sont issus de la théologie d’abord ; et plus tard de la métaphysique, qui n’est autre chose qu’une théologie masquée, une théologie qui a la prétention ridicule de ne point être absurde, s’est efforcée vainement de leur donner le caractère de la science.

Voyons maintenant quel rôle cette abstraction de l’État, parallèle à cette abstraction historique qui s’appelle l’Église, a joué et continue de jouer dans la vie réelle, dans la société humaine.

L’État, ai-je dit, par son principe même, est un immense cimetière où viennent se sacrifier, mourir, s’enterrer toutes les manifestations de la vie individuelle et locale, tous les intérêts des parties dont