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rière, et que, pour conserver ses biens, renonçant à toute pensée et à toute volonté, elle s’est soumise à des protecteurs militaires et s’est donnée corps et âme à la plus complète réaction. Depuis cette époque elle n’a plus rien inventé, elle a perdu, avec le courage, la puissance même de la création. Elle n’a plus même la puissance ni l’esprit de la conservation, car tout ce qu’elle a fait et ce qu’elle fait pour son salut la pousse fatalement vers l’abîme.

Jusqu’en 1848, elle était encore pleine d’esprit. Sans doute cet esprit n’avait plus cette sève vigoureuse qui du XVIe au XVIIIe siècle lui avait fait créer un monde nouveau. Ce n’était plus l’esprit héroïque d’une classe qui avait eu toutes les audaces parce qu’il lui avait fallu tout conquérir : c’était l’esprit sage et réfléchi d’un nouveau propriétaire qui, après avoir acquis un bien ardemment convoité, devait maintenant le faire prospérer et valoir. Ce qui caractérise surtout l’esprit de la bourgeoisie dans la première moitié de ce siècle, c’est une tendance presque exclusivement utilitaire.

On lui en a fait un reproche, et à tort. Je pense au contraire qu’elle a rendu un dernier grand service à l’humanité, en prêchant, encore plus par son exemple que par ses théories, le culte, ou pour mieux dire, le respect des intérêts matériels. Au fond, ces intérêts ont toujours prévalu dans le monde : mais ils s’y étaient