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tout le peuple. Et cette naïve et sincère croyance fut la source de leur audace héroïque et de toute leur puissance merveilleuse. Ils se sentaient unis à tout le monde, et marchaient à l’assaut portant en eux la force, le droit de tout le monde. Grâce à ce droit et à cette puissance populaire qui s’étaient pour ainsi dire incarnés dans leur classe, les bourgeois du siècle dernier purent escalader et soumettre cette forteresse du pouvoir politique, que leurs pères avaient convoitée pendant tant de siècles. Mais au moment même où il y plantaient leur bannière, une lumière nouvelle se faisait dans leur esprit. Dès qu’ils eurent conquis le pouvoir, ils commencèrent à comprendre qu’entre leurs intérêts, ceux de la classe bourgeoise, et les intérêts des masses populaires, il n’y avait plus rien de commun, qu’il y avait au contraire opposition radicale et que la puissance et la prospérité exclusives de la classe des possédants ne pouvaient s’appuyer que sur la misère et sur la dépendance politique et sociale du prolétariat.

Dès lors, les rapports de la bourgeoisie et du peuple se transformèrent d’une manière radicale, et avant même que les travailleurs aient compris que les bourgeois étaient leurs ennemis naturels, encore plus par nécessité que par mauvaise volonté, les bourgeois étaient déjà arrivés à la conscience de cet antagonisme fatal. C’est ce que j’appelle la mauvaise conscience des bourgeois.